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Transgression reconnue légitime du secret professionnel

CAA de Nantes, 30 mars 2020, no 18NT02423

Un homme a commis un meurtre le 8 décembre 1998. Il a été incarcéré dès le mois de décembre 1998 puis a été hospitalisé, à compter de septembre 1999, dans un centre hospitalier spécialisé car il avait été regardé comme n’étant pas pénalement responsable, au motif qu’il était atteint au moment des faits d’une psychose schizophrénique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.

En novembre 2008, il s’est échappé de l’établissement où il séjournait, s’est rendu dans une capitale étrangère où il aurait rencontré une personne, retrouvée décédée le lendemain. À son retour, il a été mis à l’isolement, puis le praticien hospitalier a mis en place de novembre 2008 à mars 2009, en raison d’un doute sur la réalité du diagnostic de schizophrénie, une « fenêtre thérapeutique » au cours de laquelle le patient est resté sans traitement médicamenteux. Les constatations du praticien au cours de cette « fenêtre thérapeutique » l’ont finalement conduit à estimer que ce diagnostic était erroné. Par une lettre du 15 avril 2009, adressée spontanément au procureur de la République de Rennes, le médecin a indiqué à ce dernier que le patient n’était pas atteint de la psychose schizophrénique ayant justifié que sa responsabilité pénale soit écartée. Par un courrier daté du 17 avril 2015, le patient a fait part au conseil départemental de l’ordre des médecins du Morbihan de griefs visant ce praticien hospitalier. Lors de sa séance du 19 juin 2015, le conseil départemental a estimé qu’il n’y avait pas lieu de saisir la juridiction disciplinaire ordinale, et le patient a été avisé. Par un mémoire introductif enregistré le 17 février 2016, il a demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler pour excès de pouvoir cette décision. Par un jugement du 23 avril 2018, dont il est relevé appel, cette demande a été rejetée. Droit applicable En application de l’article L. 4124-2 CSP, un conseil départemental de l’ordre des médecins exerce une compétence propre dans la gestion des plaintes dirigées contre les praticiens hospitaliers et les décisions par lesquelles il décide de ne pas déférer un médecin devant la juridiction disciplinaire peuvent faire directement l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative.

Les autorités ordinales disposent, à cet effet, d’un large pouvoir d’appréciation et peuvent tenir compte de la gravité des manquements allégués au regard de la législation et de la réglementation régissant la discipline de la profession, du sérieux des indices relatifs à ces faits, de la date à laquelle ils ont été commis, du contexte dans lequel ils l’ont été et, plus généralement, de l’ensemble des intérêts généraux qui s’attachent à leur sanction. Motivation Lorsque l’attention du conseil départemental de l’ordre des médecins a été attirée, par un particulier, sur un acte réalisé, au titre de ses fonctions publiques, par un médecin chargé d’un service public, la décision par laquelle cette autorité retient qu’il n’y a pas lieu de traduire ce médecin devant la juridiction disciplinaire, laquelle procède de l’exercice du large pouvoir d’appréciation dont il dispose quant à l’opportunité d’engager une telle procédure, ne constitue pas, à l’égard du particulier concerné, une décision administrative individuelle défavorable, au sens et pour l’application de l’article 1er de la loi no 79-587 du 11 juillet 1979, dont les dispositions ont été reprises à l’article L. 211-2 du Code des relations entre le public et l’administration. Ainsi, elle n’a pas à être motivée. Bien fondé Selon l’article L. 1110-4 CSP, toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement de santé a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. Selon l’article R. 4127-4 CSP, le secret professionnel institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris. Dans la lettre qu’il a adressée spontanément au procureur de la République de Rennes le 15 avril 2009, le praticien a révélé des informations sur l’état de santé psychique de son patient. Toutefois, cette levée du secret médical s’inscrivait dans le contexte spécifique des graves antécédents pénaux de l’intéressé. En effet, alors que la procédure pénale ouverte en 1998 avait abouti à regarder le patient comme irresponsable pénalement en raison d’une schizophrénie, le praticien estimait avoir réuni des indices sérieux du caractère erroné de ce diagnostic et son appréciation a été confirmée par une nouvelle expertise psychiatrique collégiale réalisée le 5 août 2009 à la demande d’un juge d’instruction. Par ailleurs, à la date de la levée du secret médical à l’égard du ministère public, le patient venait de fuguer de l’établissement de santé dans lequel il séjournait. Or, au cours de cette fugue, il aurait rencontré une personne, retrouvée décédée le lendemain. Alors que le médecin était, en qualité d’agent public, au nombre des personnes soumises à l’article 40 du Code de procédure pénale, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le conseil départemental de l’ordre des médecins du Morbihan a estimé qu’il n’y avait pas lieu de traduire ce praticien hospitalier devant la juridiction disciplinaire ordinale pour ces faits.

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