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Procédure préalable de conciliation en cas de refus discriminatoire de soins

Conseil d’État, 9 avril 2020, no 428680

Faits Aux termes du premier alinéa de l’article L. 1110-3 du Code de la santé publique : « Aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès à la prévention ou aux soins ».

L’article 54 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a complété cet article par des dispositions aux termes desquelles : « Un professionnel de santé ne peut refuser de soigner une personne pour l’un des motifs visés au premier alinéa de l’article 225-1 du Code pénal ou au motif qu’elle est bénéficiaire de la protection complémentaire ou du droit à l’aide prévus aux articles L. 861-1 et L. 863-1 du Code de la sécurité sociale, ou du droit à l’aide prévue à l’article L. 251-1 du Code de l’action sociale et des familles. « Toute personne qui s’estime victime d’un refus de soins illégitime peut saisir le directeur de l’organisme local d’assurance maladie ou le président du conseil territorialement compétent de l’ordre professionnel concerné des faits qui permettent d’en présumer l’existence. Cette saisine vaut dépôt de plainte. Elle est communiquée à l’autorité qui n’en a pas été destinataire. Le récipiendaire en accuse réception à l’auteur, en informe le professionnel de santé mis en cause et peut le convoquer dans un délai d’un mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte. « Hors cas de récidive, une conciliation est menée dans les trois mois de la réception de la plainte par une commission mixte composée à parité de représentants du conseil territorialement compétent de l’ordre professionnel concerné et de l’organisme local d’assurance maladie. « En cas d’échec de la conciliation, ou en cas de récidive, le président du conseil territorialement compétent transmet la plainte à la juridiction ordinale compétente avec son avis motivé et en s’y associant le cas échéant. « En cas de carence du conseil territorialement compétent, dans un délai de trois mois, le directeur de l’organisme local d’assurance maladie peut prononcer à l’encontre du professionnel de santé une sanction dans les conditions prévues à l’article L. 162-1- 14-1 du Code de la sécurité sociale. « Les modalités d’application du présent article sont fixées par voie réglementaire ». Les lois du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel et du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 ont ensuite modifié le deuxième alinéa de l’article L. 1110-3 pour ajouter aux motifs de discrimination prohibés ceux mentionnés à l’article 225-1-1 du Code pénal et pour tirer les conséquences de l’élargissement du champ des personnes éligibles à la couverture maladie universelle complémentaire. Droit applicable En vertu de l’article 21 de la Constitution, le Premier ministre assure l’exécution des lois et exerce le pouvoir réglementaire, sous réserve de la compétence conférée au Président de la République par l’article 13. L’exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit, mais aussi l’obligation, hors le cas où le respect des engagements européens et internationaux de la France y ferait obstacle, de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu’implique nécessairement l’application de la loi. Le Conseil national demande l’annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet née du silence gardé sur sa demande, recue le 9 novembre 2018 par le Premier ministre et le 13 novembre 2018 par le ministre chargé de la Santé, tendant à ce que soient prises les mesures réglementaires nécessaires à l’application de l’article L. 1110-3 CSP. Analyse Les dispositions relatives à la phase de conciliation préalable à la saisine de la juridiction ordinale et, le cas échéant, au prononcé d’une sanction par le directeur de l’organisme local d’assurance maladie ne peuvent recevoir application sans l’intervention d’un décret, d’ailleurs prévue par le dernier alinéa de l’article L. 1110-3 CSP pour fixer, notamment, les règles relatives à la nomination des membres de la commission mixte de conciliation et au fonctionnement de celle-ci. Le législateur ayant entendu que la saisine des autorités ayant le pouvoir de sanction soit précédée d’une phase de conciliation menée par une commission qui réunisse à la fois des représentants du conseil territorialement compétent de l’ordre professionnel concerné et des représentants de l’organisme local d’assurance maladie, le ministre chargé de la Santé ne peut utilement soutenir que, même en l’absence de décret précisant les règles applicables à cette commission, les discriminations prohibées par l’article L. 1110-3 CSP peuvent faire l’objet de sanctions prononcées par la juridiction ordinale ou par le directeur de l’organisme local d’assurance maladie. Dans ces conditions, dès lors que le délai raisonnable au terme duquel ce texte aurait dû être adopté, à compter de l’intervention de la loi du 21 juillet 2009, était dépassé, le refus de prendre le décret prévu par l’article L. 1110- 3 CSP est illégal et le Conseil national de l’ordre des médecins est fondé à en demander l’annulation.

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